Née d'une noble famille du Kandor, Alderan était dès ça naissance destinée à diriger. Ou presque. Presque car le mari était stérile. Ce fut donc une grande surprise quand madame tomba enceinte. Seulement voilà, il apparut vite que l'enfant n'était évidemment pas du noble Taris mais d'un elfe dont la mère d'Alderan refusa toujours de parler.
Une ancienne tradition voulait que le premier-né de sa famille s'enrôle dans l'armée et commande sa propre unité. Normalement réservée aux hommes, cette tâche lui fut imputée au grand mécontentement de sa mère. Elle était fille unique et ses parents commençaient à se faire vieux quand elle vint au monde. Sachant qu'ils n'auraient pas d'autres enfants, ils n'avaient pas le choix. La tradition familiale devait être respectée. Ou du moins est-ce ce que l'on raconte à celui qui sera enrôlé. En vérité, il s'agit d'un arrangement passé avec le roi il y a plus de dix génération, et qui se poursuit encore. La famille Taris possède depuis toujours un don pour diriger des troupes à la bataille. Le roi eu vent de cette capacité quand ils organisèrent avec brio la résistance de leur village. Une vingtaine de paysans armés de fourches et de faux repoussèrent presque le double de pillards. Ne pouvant pas intégrer de roturier en tant qu'officier dans son armée, il leur proposa de les anoblir, en échange de quoi ils devraient enrôler l'un de leur fils sous peine de se voir destitués.
N'ayant qu'une fille, l'embarras des parents face à cette situation fut colossal. Cependant, la famille en question venait de la mère d'Alderan. C'est ainsi qu'ils allèrent parler au roi, lui vantant leur fille afin de ne pas avoir à retourner dans les champs comme leurs ancêtres. Après une longue discussion et de fortes hésitations, il décida finalement d'accepter de prendre une femme dans l'armée. Il n'aimait pas ça, mais en les temps qui s'annonçaient, il aurait bien besoin de ses capacités. Bien évidemment, le fait que la fille était une demi-elfe ne fut pas évoqué.
C'est ainsi que commença son éducation. Dès son plus jeune âge, un précepteur s'occupait d'elle quotidiennement, ainsi qu'un maître d'armes des plus renommés. Lors des cours, tout y passait. Ce qu'il faut pour devenir une dame de la société, comment gérer une fortune et tout ce qui va avec, et le plus important, l'art de la guerre. De son côté, le maître d'armes lui appris à danser. Pour lui, cette discipline était nécessaire pour découvrir son corps et en faire ressortir le potentiel. Les divers mouvements qu'il lui apprendrait ressembleraient fort aux pas qu'elle aurait déjà étudier. Très tôt il s'avéra qu'elle était ambidextre, aussi cela lui permit de s’entraîner à une forme de combat très efficace. Elle commença donc à s’entraîner avec une épée, puis avec deux. Elle avait la capacité de pouvoir effectuer des mouvements complexes avec les deux mains, au lieu de devoir se contenter de mouvements simple de la main non directrice.
A l'âge de douze ans, ses parents l'envoyèrent à travers tout le royaume pour qu'elle y étudie. Trouvant rarement d'élève avec un tel niveau, et entrevoyant les possibilités futures d'Alderan, le maître d'armes se décida à l'y accompagner pour continuer sa formation. Six ans plus tard, elle avait appris tout ce qu'on pouvait lui enseigner sur la guerre dans le pays et le maître d'armes estima ne plus rien avoir à lui apprendre. En lui faisant ses adieux, il pensa que s'il devait la croiser un jour sur le champ de bataille en tant qu'ennemie, il l'éviterait soigneusement.
Six ans loin de chez elle et elle ne put toujours pas profiter de son foyer. A peine revenue qu'elle devait déjà repartir. L'armée l'appelait en son sein, et elle ne pouvait l'ignorer. Toute sa vie elle avait été préparée à ce moment. Ses parents avaient toutes les chances de son côté pour qu'elle revienne saine et sauve une fois son service terminé. Elle n'avait pas peur. Au contraire même, une sorte d'excitation la tenaillait. On lui avait tellement parlé de la guerre... Elle allait enfin voir à quoi elle ressemblait véritablement. A cette époque, son seul regret fut de ne pas connaître ses parents. Elle ne les avait vus qu'une après-midi depuis ses douze ans, ils étaient comme des inconnus à ses yeux.
Les débuts furent difficiles, surtout en devant cacher le fait qu'elle était hybride, mais elle finit par s'habituer à la petite unité d'éclaireurs qu'elle commandait en tant que lieutenant. Quinze hommes qui avaient leur entre ses mains. Comme on dit, « premier à charger, premier à tomber », et les éclaireurs sont toujours les premiers. Et la guerre arriva. Après six ans où elle prouva sa valeur dans maintes escarmouches et quelques batailles par son audace toujours payante et calculée, elle fut promue second d'un régiment de deux-cents cavaliers. C'est à ce moment qu'elle fut tatouée du symbole du groupe. Deux ans plus tard, son officier supérieur mourait au combat, sauvant la moitié de ses hommes, Alderan comprise, par une charge suicidaire sur leurs poursuivants. Sa place lui fut offerte. C'était maintenant « son » régiment.
Quatre autres années passèrent. Sous sa direction, l'unité avait acquis une renommée qu'ils ne pensaient jamais atteindre, surtout sous les ordres d'une femme. Le mot d'une nouvelle promotion se faisait déjà entendre lorsqu'elle reçu des nouvelles de ses parents. Ils lui demandaient de revenir rapidement à la maison pour une affaire importante. Arrivée chez elle, on lui apprit qu'elle devait épouser un autre noble. L'homme, qu'elle n'avait jamais vu auparavant arborait un physique repoussant et après une courte conversation, se révéla imbuvable. Mais il était riche et puissant, c'était donc un bon parti à qui marier une fille.
Elle ne put se résoudre à épouser cet homme immonde. Elle prit ses affaires, à savoir son équipement militaire pour la grande majorité, ainsi qu'une forte quantité d'argent, et déserta aussi bien sa famille que l'armée. Elle savait qu'ils la retrouveraient et la forceraient si elle retournait vers ses compagnons, aussi n'avait-elle pas d'autre choix que de quitter le pays. Il n'y avait qu'un endroit où elle pouvait se rendre et elle le savait : à la citadelle des Guerriers de la lande. Nulle part ailleurs elle ne trouverait une structure ressemblant plus à l'armée qu'elle avait quitté.
Elle fut acceptée dans les effectifs en tant que simple soldat, mais il s'est vite révélé que ce n'était pas le poste le plus adapté pour elle. Elle connut une ascension fulgurante dans la hiérarchie, revenant à diriger des hommes au bout d'à peine un mois. En parallèle, elle reprit les études, profitant de ce que la citadelle avait à offrir. Elle n'en devint que plus redoutable. Après vingt longues années de service, ses capacités n'étaient plus à prouver, et on lui proposa même de faire partie des « Epées », les sept meilleurs épéistes de la lande. Elle refusa. Elle avait appris que la folie gagnait ceux qui entraient dans ce groupe, et pour rien au monde elle n'aurait troqué son intégrité mentale contre une promotion.
Quinze ans plus tard, ses exploits lors de la guerre passée et son service irréprochable depuis son intégration aux Guerriers de la Lande lui permirent de devenir « Juge », poste que cette fois-ci elle accepta. Voulant que ses troupes soient les meilleures de toutes, elle fit faire une flèche, une lance et une épée en argent. Une fois par an, un tournoi à l'épée, un d'archerie et une joute de cavalerie détermineraient le meilleur dans chacune ces disciplines, qui obtiendrait alors le symbole du vainqueur ainsi qu'une prime non négligeable. Le but était de les motiver à toujours s'entrainer de leur mieux, même en temps de paix.
Elle ne comptait néanmoins pas en rester là. L'ambition était en elle, et elle n'espérait plus qu'une chose : devenir Grand-maitre. Le temps passa sans vraiment d'occasions. Du moins jusqu'à maintenant. Des événements bousculent les royaumes, des troupes se mettent en marche et la révolte gronde parmi les juges. Son heure serait-elle enfin arrivée ?