Que ce passait-il, elle était en charge sur le champ de bataille et tout d’un coup plus rien. Devant elle il n’y avait qu’une aveuglante lumière, rien à voir avec la forêt nocturne où la résistance chargeait pour récupérer Arana. L’enfant était devenue une jeune femme, tout à fait méconnaissable pour tous. Elle avait grandit non seulement en beauté mais aussi en sagesse et en capacité. Encore en tenue de combat, elle avait sa lance à la main alors qu’elle avançait à pas feutré dans la jungle épaisse. Les odeurs qui venaient à elle étaient différentes, des odeurs qui faisaient remonter de vagues souvenir mais sans plus. Bien sûr depuis le temps qu’elle n’avait pas mis les pieds sur sa terre natale il était normal qu’elle ne la reconnaisse pas immédiatement. Puis elle entendit un bruit, tout près d’elle qui plus est. Ce bruit était familier, c’était le même bruit qu’elle émettait elle-même lorsqu’elle chassait sous sa forme animal. Pas de doute, un tigre était tout près, surement tapi dans l’ombre attendant qu’elle lui montre un flanc vulnérable pour l’attaquer. Alors que ses yeux prenaient eux-mêmes cette apparence féline qui était unique à la jeune héritière, la lance se mis à faire quelques tournoiements agiles dans les mains de la Thériantrophe. Tout doucement, calculant chaque pas qu’elle posait au sol, elle laissait la tigresse s’approcher, étant prête à l’affronter à tout moment. Posant son regard dans le siens, Luna ne reconnu pas la forme animale de sa mère. Ayant depuis longtemps accepter sa mort dans le monde où elle venait de vivre la plus grande aventure de sa vie, elle ne pouvait concevoir qu’elle était enfin revenue chez elle.

Chez elle, une expression qui veut tout et rien dire à la fois. Après dix ans passés dans cet autre monde, après avoir unis les thériantrophes et mené une rébellion pour récupérer leurs terres n’était-elle pas chez elle là-bas? Ou bien sûr qu’elle l’était, tous les membres de ce clan le lui aurait confirmé, elle y était maintenant chez elle. Avec le temps c’était cet endroit qui n’était plus sa maison. Elle n’en avait qu’un vague souvenir, que des brides. Si seulement sa mère avait été sous sa forme humaine, ou encore que Daeron soit avec elle, tout aurait été bien plus simple pour faire comprendre à la jeune guerrière de jade qu’elle avait enfin réussit cette longue quête qu’elle avait mise de côté pour le bien de ce clan qui était dans le besoin. Pourtant, quelque chose dans le regard de cette tigresse le dérangeait. Tout au fond d’elle, elle ne pouvait attaquer, une voix lui disait qu’elle le regretterait. Restant donc sur la défensive, elle était en plein dilemme pour décidé si elle allait attaquer la première pour sa vie où si elle allait prendre la fuite.

Cependant rien à faire, l’adrénaline liée à la bataille qu’elle était en train de mener, plusieurs blessures fraiches et sanglantes marquait son corps pour en témoigner, ajouté à cette situation totalement inconnue fit ressortir son instinct de survie qui était devenu des plus fort avec les années. Sans crier gare, elle chargea l’animal avec vitesse et finesse. Immédiatement, sa mère pu reconnaître le style de combat de Daëron tout en voyant que ses mouvement étaient plus que calculé. Elle était réellement devenue une féroce guerrière avec l’âge. En moins de deux, la jeune femme se retrouva tout près de sa cible, la lance était sur le point de transpercer la gorge de Kalyäh sans aucune pitié quand tout s’arrêta. Comme si le temps venait de s’arrêter, Luna tremblait de toute part, comme si quelque chose l’avait frappé de plein fouet. Dans ses yeux ce n’était pas de la peur que l’on trouve, mais de la stupéfaction mêlé à de la peine. Ce regard, maintenant qu’elle était si près d’elle, elle ne pouvait faire de mal à ce regard qui ressemblait tant à sa mère. Elle aurait tant aimé qu’elle soit là à nouveau, pouvoir lui parler ne serait-ce qu’un instant. Mais elle était morte, elle le savait très bien. La jeune femme se laissa tomber à genou sans un mot, la tête vers le sol et ses cheveux recouvrant son visage. Doucement, quelques larmes se mirent à coulé le long de ses joues alors que le flot de souvenir tournait en elle comme un maelstrom d’émotion.

Un simple souffle sépara une mère de sa fille, alors que le regard discret se laissait emporter vers l’horizon. Kalyäh n’avait que lever les yeux vers le ciel que quelques secondes pendant que sa fille s’engouffrait dans la grotte, attirée par un quelconque mystère qu’elle tâcherait de résoudre. C’est à cet instant, à ce coup d’impact que tout bascula. Malgré les efforts incessants, la chef des Thériantrophes ne réussit pas à retrouver la personne qui avait le plus d’importance à ses yeux; elle avait disparue. Kalyäh s’en voulait énormément. Si elle n’avait pas prit le temps de méditer et qu’elle avait gardé un œil sur elle, à cet instant elle pourrait tenir Luna dans ses bras.

Mais ni aujourd’hui, ni dans quelques années elle pourrait s’offrir ce plaisir. Il n’y avait rien à faire, sa fille avait disparue comme elle était apparue un jour. Les lunes la lui avaient arrachée, elles lui avaient repris Luna.

Plongeant d’abord dans une frustration impressionnante, la chef des sudistes n’arrivait plus à contenir ses émotions. Elle avait beau tenter toute méditation possible, la perte de cet être cher la ravageait. La tristesse l’emportait sur l’espoir… et plus le temps passait, plus Kalyäh se renfermait sur elle-même. Elle resta au moins deux semaines dans le haut de ces montagnes, cherchant une issue par laquelle Luna aurait pu prendre la fuite, mais ses efforts fut vains.

Lorsqu’elle décida de retourner enfin au village, les siens n’osèrent lui demander ce qui s’était passé. Seuls ceux qui étaient proches d’elle pourraient comprendre ce qui lui avait arrivé. Elle ne laissait personne d’autre la chance de lire dans ses prunelles, plus jamais.

(…)

Deux ans plus tard.

Comme à tous les matins un peu avant l’aube, Kalyäh allait s’entraîner dans la forêt pour tenter d’évacuer toutes les mauvaises pensées qui pouvaient se loger dans son esprit, mais aussi pour profiter de ce moment de solitude pour se retrouver. Elle avait choisi de chasser sous sa forme animale et de d’abord courir jusqu’à temps qu’elle soit à bout de souffle. Traversant la jungle à une vitesse impressionnante, les pattes lourdes de la tigresse fouettaient le sol, tandis que les branches des arbres effleuraient le pelage blanc et lisse de la thériantrophe.

Elle choisi une direction plutôt qu’une autre, comme si quelque chose l’attirait vers ce lieu. Rapidement, elle fut entraînée par une odeur familière, mais elle n’aurait su dire d’où elle connaissait cette odeur. Soudain, elle s’arrêta.

Une jeune femme se tenait devant elle, une adolescente. C’était la première fois qu’elle voyait cette dernière dans sa jungle… du moins c’est ce qu’elle croyait. La jeune femme était armée, prête à combattre et à foncer sur Kalyäh. L’adolescente s’avança sur elle avec une technique que Kalyäh reconnue pour être celle que Daëron enseigne naturellement. Elle fut d’abord surprise, et ensuite désorientée. Une adolescente, possiblement humaine, qui avait le même style de combat très caractéristique aux entraînements qu’offrait Daëron? Comment se faisait-il qu’elle ne soit pas au courant? Et si elle se trompait…?

La tigresse resta figée, voyant la jeune femme s’avancer vers elle. Mais quelque chose dans son regard attira son attention… une lueur de félin.

Luna? L’adolescente s’arrêta à quelques centimètres d’elle, se laissant tomber sur les genoux. Sa chevelure recouvrait son visage et il n’était pas possible d’en discerner les traits. Mais malgré qu’elle ne pouvait voir ses yeux de nouveaux et même si elle ne pouvait pas détaillée son visage, Kalyäh savait qui elle était, elle le sentait au plus profond d’elle.

La thériantrophe choisi donc de lui communiquer par la pensée afin de lui révéler son identité…

*Luna… Tu ne me reconnais pas? Je sais que tu sais qui je suis. Cesse de pleurer.*

Ses yeux, comment pouvait-elle faire du mal à une créature qui avait ses yeux? Pour la jeune femme qui avait vécu tant d’aventure dans son périple, blesser cet animal se résumait à tuer sa propre mère. Bien sûr elle n’avait pas encore réalisé que l’être le plus cher qu’elle avait se tenait devant elle. Puis, tout d’un coup, elle entendit cette voie si réconfortante, la seule voie qu’elle voulait entendre depuis des années. Comment, elle était morte, elle avait lu le journal et l’avait gardé avec elle. Puis, tout lui revint, le collier, l’autre monde! D’un coup, dix années de sa vie remontèrent en arrière tel un film que l’on recule. Elle le va la tête doucement, totalement stupéfaite de ce qu’elle venait d’entendre. Puis elle réalisa, elle avait finir par effacer ce passé de son esprit, scindant les deux mondes en un, pour mieux supporter la tâche qu’elle s’était donné. D’un coup elle séparait le vrai du fait dans sa tête, en quelque seconde tout le stress qu’elle avait accumulé pendant ces dix dernières années tomba. Ce stress et cette peine qu’elle ne pouvait se permettre d’exprimer car sa propre survie et celle des gens qui la suivait en dépendait pouvait maintenant être libérer. Sans même vérifier si elle n’était pas encore une fois piégée, elle sauta au cou de Kalyäh et enfonça sa tête dans son pelage. Ce fut à chaude larme qu’elle pleura de soulagement et de joie.

-Fini… c’est fini… dix ans…

Après plusieurs minutes à pleurer toutes ces larmes qu’elle avait enfermées depuis des années, elle recula sa tête et regarda sa mère dans les yeux.

-Maman, même si je te racontais tout ce qui s’est passé tu ne me croirais pas! Et vous! Qu’est-ce qui s’est passé pendant les dix dernières années!

Oui elle était persuadé que le temps avait été identique, que tout le monde avait vieillit de dix ans. Puis elle se leva soudainement, pensant que ses affaires avaient été ramenées avec elle, car elle voulait lui montrer le journal relatant sa mort et l’invasion humaine.

-tu vas mieux comprendre av…

Mais rien n’était là, aucun sac, aucune trace du livre, il n’y avait que la jeune guerrière et les quelques blessures encore saignantes qu’elle venait de recevoir pendant la première charge de l’épique bataille qu’elle menait. La bataille! Son visage devint tout d’un coup dévasté, comprenant qu’elle avait abandonné ses troupes au moment le plus important. Elle toucha rapidement son cou pour y trouver le collier et le prit en panique.

-Non! Encore une journée! Une seule journée! Ils vont mourir, ils comptent sur moi! Je reviendrai après la bataille, mais par pitié renvoi moi finir ce que j’ai commencé!

Puis elle regarda sa mère en panique.

-C’est moi qui les ai rallié! Les ai armés! C’est moi qui les ai menés au combat! Je menais la charge! Ils se battent en ce moment et moi je les ai abandonnés!

En l’espace d’un instant, tout ce qui lui semblait si irréel ces deux dernières années la rattrapa. Kalyäh se remémora l’instant où elle comprit que sa petite Luna avait disparue, cet instant qui ébranla son existence. Aujourd’hui, c’en était un autre moment où il y avait impact, où la vie faisait tôt de les rattraper pour les frapper de plein fouet.

Qu’est-ce qui avait bien pu lui arriver ces deux dernières années? Comment sa petite fille qui n’était qu’une enfant était devenue cette adolescente endurcie qui maîtrisait à présent les techniques de combat les plus redoutables? C’était sans doute le pouvoir des trois lunes… il n’y avait d’autres explications pour Kalyäh. Ou alors… ses vénérables ancêtres veillaient sur eux et ils leur avaient offerts ce présent. Plus jamais Luna ne serait cette petite fille sans défense.

Les prunelles de la tigresse s’écarquillèrent, fixant inlassablement cette Luna qui lui était maintenant inconnue. Qui était cette petite fille à la longue chevelure brune? Enfin, elle la reconnu, ce qui confirma son identité. L’adolescente sauta au coup de la tigresse telle une enfant qui venait de recevoir le plus merveilleux des présents, et vint loger son visage dans le pelage doux et rassurant de sa mère. Quant à Kalyäh, elle sourit intérieurement, laissant la chaleur du corps de la thériantrophe se mêler à la sienne.

Les instants qui suivirent furent assez incompréhensibles pour Kalyäh qui n’avait aucune idée de ce qu’avait du endurer sa fille. Pour elle, deux ans s’était écoulé depuis sa disparition et elle ne pouvait expliquer l’écart d’âge qui séparait l’adolescente de la Luna qu’elle connaissait. Plus ses paroles cristallines résonnaient dans la jungle, plus l’incompréhension pouvait se lire dans les prunelles de la tigresse. Ne pouvant la serrer dans ses bras pour la réconforter, elle tenta, comme toute mère le ferait, de l’apaiser par la pensée.

*Tu as fais ce qu’il fallait ma chérie. À présent, laisse les tracer leur propre chemin par eux-même. Ta place est à mes côtés.*

La mère ignorait totalement de quoi elle parlait, mais ces paroles avaient franchit le seuil de ses lèvres sans même qu’elle réfléchisse. Une mère était censée savoir tout…

*Viens avec moi.*

La tigresse s’enfonça dans la jungle d’un pas suffisamment lent pour que sa fille la suive. Elles n’allaient pas bien loin, juste à un kilomètre vers le sud où se trouvait l’un de leurs campements temporaires. Ainsi, Kalyäh pourrait reprendre sa forme humaine et elles pourraient ensuite parler de vive voix, ce qui faciliterait bien les choses.

Dès qu’elle fut arrivée au campement, elle reprit sa forme humaine et récupéra aussitôt des vêtements. Elle ordonna par la suite aux deux Thériantrophes qui le gardaient de bien vouloir les laisser seules pour quelques instants. Eux, ils n’avaient pas reconnu Luna et c’était peut-être mieux ainsi… du moins pour le moment.

Une fois qu’ils furent partis, elle se retourna vers sa fille dont les yeux avaient rougis par les larmes. D’un geste maternel, elle la prit dans ses bras la serrant d’une forte étreinte. Elle posa finalement ses deux mains sur chacune de ses épaules, plongeant ses iris sauvages dans les yeux de sa fille.

« Il s’est écoulé seulement deux ans depuis ta disparition, là-bas… au monastère. Je… J’ignore où tu as passé ces dix années qui t’ont permis de devenir la femme que tu es, et… je ne sais pas de qui tu parles quand tu fais référence à ceux que tu as rallié et mené au combat, mais… ici le monde n’a pas changé. Tous te croient morte Luna. Nous avions tous perdu espoir de te revoir un jour. »

Kalyäh avait l’impression d’être dans un rêve tellement la situation était irréelle. C’était quelque chose qu’elle avait souhaité chaque jour pendant ces deux dernières années… de retrouver sa fille. Mais aujourd’hui elle était là, totalement différente et inconnue. Elle avait l’air d’une femme, presque. C’était perturbant pour une mère de n’avoir pu assister à tant d’étapes de sa vie. Il y avait surement une explication logique… surement…

La chef des sudistes prit place sur un fauteuil, invitant Luna à faire de même. Les deux femmes avaient beaucoup de choses à se dire.

Alors que la chef reprenait forme humaine et s’habillait, la jeune thériantrophe restait là, occupé à remettre toutes ses idées en place pour trouver un discours un peu plus compréhensible. Après tout, il était vrai qu’elle venait de réapparaître de nulle part et que son périple pouvait sembler de l’ordre de l’épopée. Doucement elle posa ses mains sur ses hanches pour se craquer le dos, quelque chose la gênait et elle pensait qu’en s’étirant il partirait. Cependant, elle trouva quelque chose qu’elle avait oublié, une preuve de son passage en un monde inconnu de tous. Doucement elle sortit le petit journal qu’elle avait trouvé le jour de son apparition dans ce nouveau monde. Puis elle tourna la tête vers son épaule dont émanait un léger picotement, c’est à ce moment qu’elle s’aperçut qu’elle avait été coupée pendant la charge et qu’elle saignait. Rien pour la mettre en danger, mais sans bandage le saignement ne risquait pas se s’arrêter. Doucement, elle prit un bout de tissu puis se fit un bandage improvisé, n’ayant jamais été très bonne dans le domaine. Au moins il ferait le boulot le temps qu’il faut.

La première chose que sa mère fit en revenant fut de la prendre dans ses bras. Sans hésitation, la jeune femme la serra à son tour, ayant tant rêvé de ce contact qu’elle n’avait pu avoir depuis si longtemps. Son cœur battait à tout rompre, sachant que tout ceci n’était pas une illusion et qu’elle avait retrouvé sa vraie place. Sans un mot elle s’assit et l’écouta attentivement. Quel ne fut pas son étonnement lorsqu’elle apprit qu’il ne s’était passé que deux ans dans son monde, tout était identique, aucune guerre comme elle avait vécu et encore moins de génocides fait par les humains. Premièrement elle prit une grande respiration puis se lança dans son discours.

-Je vais tentée d’être courte… bien que ce n’est pas très simple. Le jour où nous nous sommes perdu, j’ai réapparut tout près de l’île d’Endar. Mais dans ce monde… rien n’est comme ici. Il faut oublier notre beau village, notre sécurité, là bas les thériantrophes qui sont encore en vie se compte par dizaines, peut-être quelques centaines au grand maximum. Dans ce monde, les humains nous chasses pour nous vider de notre sang, quelqu’un leur ont fait croire que s’ils en ingèrent assez ils deviendront immortel. Quand j’ai atteint le village, que des ruines, et ce petit livre. Ce livre… m’a fait comprendre assez vite la situation et m’a permis de rester loin des humains, ce qui m’a aidé à survivre les premiers mois. Il relate ta mort maman, comment il t’ont torturé sur la place publique de Coji et ensuite vidé de son sang pour faire un exemple. Je ne savais pas où aller, j’étais totalement perdu et le monastère n’était qu’une ruine où ne n’ai trouvé aucun indice pour revenir vers toi. En même temps, deux humains m’avaient repérer sur l’île et me chassait, j’ai du quitter vers Cartale pour ma survie, pensant demander aux nocturnes d’assumer leur responsabilité et de tenir leurs engagement envers notre peuple. Rien ne fut comme je pensais… Kehlvh’an Nyl’Nacra était empereur, remplaçant son frère mort au combat quelques années plus tôt. Les nocturnes n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes, un peuple défait, dont la gloire avait été mise à mal. Encore une fois, j’appris que les humains avaient été la cause de cette déchéance, ils avaient rapidement défait les armées nocturnes et en avait profité pour détruire leur civilisation. Ils détruisaient toutes civilisations se mettant sur leur chemin, clamant qu’il le fallait pour la sécurité de la race. Plus j’allais vers le nord plus je trouvais des peuples détruits, quelques uns des nôtres ici et là, se cachant pour leur survie et avec aucun espoir. J’ai passé trois ans en fuites, mangeant ce qui me tombait sous la main. C’est en trouvant le sanctuaire que tout changea, les elfes avaient caché une petite communauté de sudistes, les nordistes ayant été annihilés. Je me joins à eux et pris quelques années pour perfectionner ce que Daëron m’avait apprit. J’ai du rapidement ajouter à ce mode de combat celui des guerriers de la lande, c’était la seule force qui s’opposait encore aux humains et je savais que tu n’aurais pas hésité. J’ai prise la décision que je croyais juste pour protéger ce qui restait des nôtres, je me suis joint à la lande.

Elle se leva doucement puis se retourna en déboutonnant son haut. Alors qu’elle descendait le tissu, dévoilant son dos qui était clairsemé de quelques cicatrices, Kaly pu voir un anneau de feu gravé dans la chair de son omoplate gauche.

Au début les sudistes pensait que je mentais, que je n’étais pas ta fille car dans leurs monde tu n’avais jamais eu d’enfant. J’ai du leur prouvé, par mes actes et mon tempérament, que ma mère ne pouvait être autre que toi. Peu à peu ils ont recommencé à avoir espoir, à désirer se battre pour retrouver leurs terres si précieuse, retrouver notre Arana. Mais les humains n’étaient pas comme ici, ils possédaient des armes étranges, tirant de petites pierres à une distance et une vitesse impressionnante. Ils appellent cela des tromblons. Ces armes décimait nos armées en un rien de temps, nous avons donc du partir en territoire humain pour détruire ces armes avant de créer une rébellion. Ce fut dur, mais les guerriers de la lande étaient tous en accord avec moi, nous ne pouvions laisser les humains garder ces armes. Au final nous nous sommes aperçurent qu’il était impossible de toutes les détruire. Nous avons donc pris la décision d’en voler assez pour équiper nos hommes et femmes, dans le but de se battre d’égal à égal. Quand je suis réapparut devant toi, nous chargions pour Arana. Pour te donner une idée, ces armes font ce genre de blessures lors qu’elle frôle la peau, j’ai été chanceuse sur ce coup, car si j’avais été touché en pleine poitrine j’aurais été trouée et surement morte à l’heure qu’il est.

Elle retira le bandage improvisé, dévoilant la blessure qui semblait être un coup de lame à première vue. Cependant, en observant bien, l’on pouvait voir que la peau n’était pas coupée mais bien déchiré par la vitesse de la balle. Elle remit doucement le bandage puis s’approchât de Kaly avant de la prendre dans ses bras et fermant les yeux.

-J’avais cessé d’espérer que je serais à nouveau dans tes bras un jour. Tu m’as tellement manqué tout ce temps, c’était insupportable.

Luna avait arrêté de paniquer et de prononcer des paroles incompréhensibles pour la chef. Elle avait même sortit un petit journal qui semblait défait par le temps, mais il semblait précieux à ses yeux. Le regard de Kalyäh contemplait sa fille dans chacun de ses détails; elle réapprenait à la connaître. Ses traits, bien que semblables, n’étaient plus ceux d’une enfant. Ils n’affichaient pas encore la maturité de l’âge adulte, mais son visage ne tarderait de refléter cette importante sagesse. Elle était belle, bien que son corps semblait maculé de traces de guerre.

La voix envoûtante de sa fille se fit entendre, marquant le début d’un long discours qui saurait peut-être répondre à toutes les questions qui brûlaient les lèvres de la thériantrophe. Kalyäh écoutait attentivement ses propos, s’abreuvant de chacune de ses paroles et s’assurant de ne rien manquer. Quand elle lui montra ses blessures, Kalyäh ne pu s’empêcher de se pincer une lèvre, imaginant bien la douleur qu’elle avait pu ressentir. Une fois le récit terminé, la chef des thériantrophes demeura silencieuse quelques instants afin d’assimiler les informations.

« La façon dont tu me racontes cette histoire me fait croire que tu es allée dans une sorte de monde parallèle, mais cela me semble totalement impossible. Pourtant… tu es bien là aujourd’hui, et tu as vieillis de dix ans. Il y a forcément une explication, mais je ne crois pas que personne ici en Arana puisse répondre à nos questions. »

Kalyäh avait parlé en réfléchissant en même temps. Les seuls qui pourraient peut-être lui fournir une explication logique seraient les Hauts-Elfes, ces êtres si sages et munis de connaissances exceptionnelles. Mais… peut-être serait-ce trop risquer de leur faire part de ce récit, même si dans ce dernier, ils étaient des alliés précieux. La thériantrophe n’arrivait pas à croire ce qu’elle avait pu endurer, mais surtout… elle n’arrivait pas à croire que la petite Luna, haute comme trois pommes, aient pu survivre dans un tel monde. Il va de soi que les entraînements de Daëron lui ont portés fruits.

Le silence était lourd, et la douleur écrasait le cœur de la pauvre mère. Kalyäh retint ses larmes alors que son regard ne cessait de fixer sa fille.

« Tu es forte ma chérie… tu es forte comme tout ceux de ta lignée. Maintenant que tu es revenue, il n’est plus question que je te laisse partir! » Kalyäh serra de nouveau sa fille dans ses bras, bouleversée par diverses émotions. « Pendant tout ce temps où tu étais là-bas, n’as-tu pas cherché à comprendre ce qui t’était arrivée? Je me suis tant inquiétée pour toi pendant ces deux années… alors ça a du être horrible dix ans dans un endroit totalement inconnu. »

La thériantrophe se rendit compte qu’elle n’avait rien offert à manger ou à boire à sa fille. Elle était trop obnubilée par son retour, mais il se pouvait fort bien qu’elle ait faim.

« Veux-tu quelque chose à manger? Nous avons des fruits frais ici… » Dit-elle en lui tendant une gourde d’eau qui ne serait sans doute pas de refus.

-Je ne sais pas si c’était un monde parallèle ou seulement notre monde altéré par cette magie, mais je peux te confirmer que j’aime de loin notre monde à nous. Ici il n’y a pas de guerre perdu d’avance et encore moins de massacres…

D’un geste aussi léger que le vent d’été, elle passa une main le long de sa nuque. Peu à peu, elle semblait être plus calme, signe que l’adrénaline de la bataille et du retour commençait à s’estomper en douceur. La jeune femme semblait avoir les idées plus claires, reprenant son tempérament posé que sa mère connaissait si bien. Puis elle se retrouva à nouveau dans les bras de sa mère, envahi par cette chaleur réconfortante. C’était là un souvenir vague qui remontait en elle, ce genre de souvenir que l’on dépose dans un tiroir pour être certain qu’il ne vienne pas nous défaire au moment le plus important. Elle avait fini par cesser d’espérer la ressentir un jour, la scellant pour de bon dans l’idée qu’elle avait réellement perdu sa mère pour toujours. En même temps, ressentir cette odeur si importante à ses yeux était troublant. L’odeur de sa mère lui rappelait qu’elle avait perdu deux ans dans ce monde, que personne ici ne la reconnaitrait.

-Ce n’est pas faute d’avoir voulu, au début je n’avais pas de piste, c’était le flou total et j’ai tenté de comprendre ce monde pour y survivre. Je crois aussi que j’étais trop jeune pour bien mettre en place toutes les pièces du puzzle. Le plus dur fut de faire comprendre aux derniers représentants du clan que j’étais ta fille dans le vrai monde… il semblerait que je n’existe pas dans ce monde là. C’est peut-être du à la magie qui m’y a enfermer, une difficulté de plus. Ce n’était pas si horrible, j’ai fini par rencontrer des personnes qui m’ont beaucoup aider à grandir, d’autre qui m’ont nuit et quelques une avec qui j’ai lié des liens.

Elle repensa à Loic, enfin, le Loic du monde où elle avait passé son adolescence. Loin d’être comme le jeune guerrier du clan qu’elle avait connu dans le vrai monde, il avait fini par prendre une place importante pour la jeune femme. Il avait même été quelques fois où elle s’était demandé si elle n’en était pas tombée amoureuse pendant un temps. En quelques secondes elle chassa ces pensées sordides, rien ne servait à se rappeler d’un garçon qu’elle ne verrait jamais plus, surtout qu’elle ne voulait pour rien au monde retourner dans ce monde maintenant qu’elle avait retrouvé sa famille. Elle accepta l’eau et la nourriture avec joie, ayant effectivement très faim après ce début de bataille et ce retour des plus inusités. Elle mangea doucement, appréciant les fruits uniques de la jungle, nourriture qu’elle n’avait gouté depuis plusieurs années. Puis elle leva la tête doucement pour regarder la chef.

-Est-ce que vous l’avez retrouvé? Mikheil et moi devions partir vers le nord pour le rechercher, mais comme j’ai disparu avant notre départ.

Bien sûr elle parlait de Daeron, pour Luna l’assassin solitaire avait prit une place des plus importante, presque un père même. Elle s’inquiétait pour lui, surement le fait d’être revenu et de ne pas encore l’avoir vu mais elle avait un mauvais pressentiment. Cette disparition inattendue, son absence lors de son dernier entrainement, l’absence de son odeur qu’elle pouvait facilement percevoir avant, tout lui disait qu’il y avait quelque chose qui clochait.

Contemplant les prunelles de sa fille, l’esprit de Kalyäh se trouvait à mis chemin entre ses pensées tourmentées de questionnements et les propos intrigants de sa fille. Luna avait manqué une période de vie du Clan du Sud qui avait été particulièrement mouvementée, beaucoup plus que ce qu’elle avait connu dans ce monde jusqu’à présent. Des massacres, il y en avait eu… une guerre, également. Mais ses yeux d’enfants y avaient échappé et elle avait été transportée on ne sait où. Par miracle, les lunes la lui avaient ramenée, par miracle…

Suivant du regard la main de Luna caressant sa nuque, Kalyäh se demandait si elle devait lui dévoiler toute cette réalité, tout ce qu’avait traversé son monde? Aujourd’hui, les temps étaient plus calmes et la paix avait lentement repris sa place malgré les jours sombres. La chef des thériantrophes du Sud décida de ne rien dire pour l’instant, écoutant ses paroles qui semblaient être plus calmes à présent. Comme une mère, elle servit des fruits et de l’eau fraîche à sa fille quand les mots de sa prochaine question la frappèrent de plein fouet : Daëron. Kalyäh savait très bien que Luna parlait de lui qui avait été comme un père pour elle. Même si elle avait souvent une pensée pour cet homme, l’espoir de la revoir s’était dissipée en même temps que l’espoir de revoir sa fille. La thériantrophe demeura muette pendant quelques instants pendant lesquelles son regard devint vide. Elle pouvait très clairement se l’avouer aujourd’hui : elle avait perdu dans les dernières années les deux personnes qui avaient le plus d’importance dans sa vie. Le regard soudainement triste, elle répondit :

« Je ne l’ai jamais revu. Personne n’a jamais plus entendu parler de lui… un peu comme toi après ta disparition au Monastère. Je crois que pour sa part c’était volontaire, même si je n’aurai sans doute jamais la chance d’avoir la confirmation. Daëron comptait beaucoup pour moi et il ne se passe pas une journée où je n’y pense pas… tout comme à toi lorsque tu avais disparue. » Kalyäh marqua une pause pour laisser s’échapper ce trop plein d’émotions. « Tu n’as pas idée le soulagement que je ressens à cet instant de t’avoir de nouveau près de moi… Malgré la perte d’espoir qui me poursuivait sans cesse, je ne pouvais accepter de faire mon deuil, pas tant que je ne savais pas ce qui t’était arrivée. »

Et c’était la même chose avec Daëron. Il demeurerait imprégné dans on esprit chaque jour de son existence, parce qu’elle l’avait aimé sans doute, plus qu’elle ne l’admettait lorsqu’il était près d’elle. Kalyäh prit quelques fruits dans ses mains comme pour clore cette discussion et essayant d’attirer l’attention ailleurs.

« Pendant ton absence… beaucoup de choses se sont produites ici Luna. Tout à l’heure tu parlais de guerre et de massacres… et je tiens à te dire que nous n’avons pas été épargnés ici. Tu es bien placée pour connaître les circonstances de cette guerre puisque tu m’avais accompagnée à Cartale chez nos alliés. Mais tout est fini maintenant, tu n’auras pas à te replonger dans un milieu hostile. Il faudra que tu vois ce que nous avons accomplis!»

Les yeux de Kalyäh devinrent un peu plus pétillants que lors de la conversation précédente. Elle avait tant à dire, tant à raconter… et surement tant à faire découvrir à cette Luna devenue grande.

Alors que Kaly lui donnait une réponse franche sur Daëron et sa disparition mystérieuse, la jeune femme comprit qu’il ne reviendrait surement pas. Mais il y avait quelque chose de plus dans sa voie, un sentiment qu’elle n’arrivait pas à bien déchiffrer. Est-ce que sa mère avait été amoureuse de l’assassin? Luna n’en savait rien, elle n’était pas réellement calée dans le domaine pour commencer à faire des spéculations. Malgré tout, Luna aurait été des plus heureuse de voir sa mère et son mentor former un couple, c’était une chose qu’elle aurait voulu étant enfant. Cependant, la vie réserve bien des surprises et des revirements, si bien qu’il est difficile de la suivre parfois. Pour toute réponse, la jeune guerrière prit sa mère dans ses bras et lui chuchota un simple « tout va bien allez. » elle voyait bien que d’étirer le sujet n’allait rien emmener de bien.

Puis elle eut droit à un petit résumé de ce qui s’était passé ici. Alors qu’elle se battait contre un ennemi omniprésent, les gens d’ici avait formé une alliance pour combattre ce même ennemi et semblait avoir vaincu. Un air de soulagement apparut au visage de Luna, pensant que le Kandor avaient été mis à mal une bonne fois pour toute. Oui, elle avait développé une réelle aversion pour ces contrées humaines qu’elle détestait comme la peste. Alors qu’elle revoyait ces terres des plus abjectes, l’image de Talia fusillée sur la place publique vint la frapper de plein fouet. Elle la voyait comme si elle était à nouveau. Une balle, puis une seconde, ensuite la troisième directement dans le cœur. Le tout s’était passé si vite qu’elle n’avait même pas eu le temps de commencer à crier. Puis Luna releva les yeux vers sa mère qui semblait à nouveau pétillante tout en s’apercevant qu’elle avait serré les poings à un point tel qu’un petit filet de sang s’y échappait. Rapidement elle chassa cet air sérieux de son visage et prit une longue respiration.

-Décidément le Kandor aura créer beaucoup de confusion. L’alliance avec les nocturnes a semblé porté fruit.

Puis elle se gratta la tête doucement.

-Hum, est-ce que vous avez eu l’occasion de combattre aux côté des guerriers de la Lande? Et de rencontrer les gens du nord après les avoir défait?