Artemis avait fermé les yeux plus profondément que ce qu’il pensait. Les minutes s’étaient écoulées de façon rapide et après une bonne heure il se réveilla. Il n’avait pas voulu perdre autant de temps, mais tant pis, c’était fait maintenant. L’homme se mit à réfléchir et fit demi-tour sur l’endroit où il avait perdu la trace de sa cible. Il faisait ça peut-être pour la dixième fois au moins, mais il était d’un naturel méticuleux et patient fort heureusement. L’assassin prit le temps de bien regarder partout cette fois et il perdit une bonne dizaine de minutes. L’air perplexe, il toucha le sol à un endroit précis avant de se relever. Il n’y avait plus de traces ou alors elles avaient été effacées. Alors qu’il allait opter pour une direction aléatoire, il repéra une branche minuscule qui était brisée. Il s’approcha curieux et réussit à retrouver ce qu’il avait tant cherché : des indices.
Kalyäh avait du faire un bond sous sa forme animale, un bond impressionnant même. Souriant, il suivit cette nouvelle piste. Le temps semblait passer rapidement, l’humain ne le voyait pas défiler. A mesure qu’il progressait, les traces semblaient plus groupées. C’était le signe qu’il n’était peut-être pas loin et que la tigresse avait du ralentir le rythme. Les pattes devinrent des pieds humains et il cru entendre le clapotis de l’eau bercé par le vent, mais il n’était pas sûr malgré sa bonne ouïe.
L’assassin avança à pas furtif, comme s’il traquait quelque chose, mais après tout ce n’était qu’un humain dans un milieu qu’il ne maitrisait pas. Il devait probablement faire beaucoup de bruit pour une oreille attentive et habitué aux lieux, ça ne faisait aucun doute. Ecartant un petit amas de feuilles qui lui barrait la vue, il vit enfin ce qu’il cherchait depuis un certain moment : Kalyäh.
Elle était adossée à un arbre, visiblement endormie. Ses vêtements étaient peu loin d’elle, mais la jeune femme était totalement nue. Enlevant sa main pour que la branche revienne en douceur sans faire de bruit, Artemis se laissa tomber doucement au sol pour réfléchir. Il lui avait couru après depuis pas mal de minutes, il avait dû se surpasser pour la pister et maintenant qu’il touchait enfin au but, il était désemparé. Que pouvait-il bien lui dire ? Maintenant qu’il avait vidé son sac, ça semblait difficile de trouver d’autres arguments.
L’assassin était pris entre plusieurs décisions. La fuite ? Il y avait pensé quelques fois depuis le départ, c’était une hypothèse à envisager, mais il refoulait l’idée, il n’était pas encore à bout de force et de patience. Rester discret et la surveiller de loin ? Il se doutait qu’elle détecterait facilement sa présence, il n’y a qu’à Berill ou dans une grande ville qu’il aurait peut-être pu faire ça. Aller la voir comme si de rien n’était ? La thériantrophe avait peut-être encore besoin de temps pour réfléchir et brusquer les choses risquait plus de l’incommoder qu’autre chose.
Soupirant, il n’en pouvait plus de l’attente. Ce n’était pas naturel pour Artemis de courtiser une femme avec autant de difficulté. Cet exercice il n’y était pas habitué et il était d’une certaine difficulté pour ce cas précis. L’homme se releva et émergea tranquillement de sa cachette. Il avançait d’un pas lent vers la jeune femme. Son regard fixait le sol, il souhaitait respecter sa pudeur, bien que la vue de son corps nu ne fût pas déplaisante, bien au contraire. Lorsqu’il fut enfin arrivé près d’elle, il ôta sa cape d’un geste souple et lui tendit. Il patienta quelques secondes avant de s’accroupir à son niveau. Il la regarda dans les yeux et son visage semblait déterminé.
« Je vous tourmente Kalyäh et cela risque de détruire ce que vous avez mis tant d'année à construire. »
Il n'avait pas dit ça à la légère, mais de voir celle qu'il aimait plus que tout dans un tel état le désolait vraiment. Il n'était pas sûr qu'il prenait la bonne décision, mais ça aurait le mérite d'apaiser la jeune femme.
« Je m'en vais Kalyäh, puissiez-vous m'oublier et diriger votre peuple d'une main de fer. »
Sans hésitation il lui fait un baiser dans les cheveux et se releva. Tournant le dos à tout ça, il s'enfonça dans la forêt et pour la première fois de sa vie, une larme coula le long de sa joue. Ca ne serait pas simple de l'oublier, il ne pensait pas y arriver. Maintenant il n'avait envie que d'une chose: redevenir une machine à tuer. Il allait se replonger dans les sanglantes intrigues de Berill pour oublier tout ça, c'était la seule chose qu'il savait faire, son seul échapatoire. Il respecterait sa parole et laisserait les thériantrophes en paix, ils le méritaient bien.
Celui qui avait été Artemis redevenait un être froid, mais il avait gagné un peu d'humanité au contact de la jeune femme. Nul ne le reverrait jamais, il saurait se faire discret.